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Point Juridique du 19 mai 2020
par Me Nathalie Moulinas Avocate au cabinet Sud Juris

Vous êtes propriétaire d’un cheval. Vous ne pouvez le garder à domicile ou sur un terrain aménagé vous appartenant. Vous avez donc négocié un contrat d’hébergement avec un établissement équestre voisin : ce faisant, vous payez une redevance qui couvre les frais de logement, de nourriture et d’abreuvement de votre équidé, ainsi que l’obligation pour l’établissement d’accueil, de traiter votre animal « en bon père de famille », c’est-à-dire de le maintenir dans un état général satisfaisant. Certains contrats sont plus détaillés, mais la majorité se limite à ces dispositions de base, tant il est inscrit dans le marbre que le propriétaire s’occupe lui-même de l’exercice physique de son cheval, puisque, la plupart du temps, c’est l’une des raisons de l’acquisition d’un équidé.
Lorsque vous devez vous absenter et ne pouvez venir vous occuper de votre animal, deux possibilités s’ouvrent :ou bien l’établissement d’accueil accepte d’extraire le cheval de son boxe et de le conduire à intervalle régulier en paddock de détente, peut-être même de le longer, voire de le monter ;ou bien vous faites appel à un tiers pour accomplir ces tâches. Habituellement, en l’absence du propriétaire, l’établissement d’accueil gère le cheval sans que personne ne se pose véritablement de question. Tant que le propriétaire se conforme aux termes du contrat, aucune difficulté ne devrait donc surgir ; dans le cadre de la gestion « en bon père de famille » entre la prise en compte de la notion de bien-être équin. Mais si les absences du propriétaire sont longues et/ou fréquentes, l’hébergeur n’est pas tenu de suppléer gracieusement à la carence du propriétaire, celui-ci restant en charge de la nécessaire activité physique de son équidé. La situation récemment créée par la pandémie du covid-19, était, à bien des égards, imprévisible. Les mesures de confinement de la population humaine constituent, du fait du prince, « un cas de force majeure ». C’est le type-même de situations qui impliquent des chamboulements dans le droit des contrats, du moins dans l’exécution de ceux-ci. L’équité veut cependant que la force majeure soit prise en compte aussi bien dans les intérêts du propriétaire que dans ceux de l’hébergeur.
Quel sort faut-il, dès lors, réserver à d’éventuelles surfacturations de prestations d’hébergement directement liées au confinement et à l’absence du propriétaire dans ce cadre précis ? Notamment dès le 24 avril 2020, date annoncée par le communiqué de presse du Ministre de l’Agriculture pour un retour prudent et encadré des propriétaires d’équidés dans les écuries. Distinguons, là encore, les cas selon leurs caractéristiques :
1° Certains hébergeurs ont spontanément fait appel aux propriétaires en leur demandant de venir les aider et les ont déclarés en qualité de bénévoles auprès de leurs compagnies d’assurance ; il ne s’agissait évidemment pas de monter « comme à l’accoutumée » leurs chevaux, mais bien d’aider au travail de l’écurie. Pour ces structures, le communiqué du ministre de l’Agriculture n’a entrainé aucune modification ou quasiment aucune.
2° D’autres ont assumé, au prix de nombreuses heures de travail, la totalité des prestations et ont accueilli avec soulagement la possibilité de pouvoir désormais faire à nouveau appel aux propriétaires, d’autant que pour nombre d’entre elles, le travail des champs appelait également leur implication.
Mais, au-delà de ces deux catégories, d’autres hébergeurs ont embauché du personnel et ont refacturé aux propriétaires les surcoûts ainsi générés.
Si la mise en charge de suppléments pouvait être justifiée pendant la période du strict confinement des populations, dans certains cas, cette surfacturation se prolonge aujourd’hui indûment, alors même que les propriétaires ont à nouveau été remis en capacité de s’occuper eux-mêmes de leurs chevaux selon les dispositions initiales de leur contrat.
Dans ce cas, il convient que les hébergeurs leur rendent la tâche plus aisée et, notamment, qu’ils prennent toutes les dispositions légales pour faciliter l’accessibilité des propriétaires à leurs chevaux : mise en place des procédures sécurisées d’accès, moyens sanitaires recommandés par les pouvoirs publics et consignes de comportement individuel dans l’enceinte de la structure d’hébergement…
La pandémie ne durera pas éternellement. Et les relations entre propriétaires et hébergeurs sont destinées à s’étendre, en bonne intelligence, bien-au-delà des temps présents. L’esprit commercial, mais aussi le bon sens et la bonne foi doivent nous guider au sein d’une filière équine où la solidarité mérite parfois d’être quelque peu considérée.